Dans le monde des affaires, il y a quelques individus sélectionnés qui ont atteint le sommet et obtenu un grand succès. Yves Bayle fait partie de ces personnes. Au cours de sa longue carrière, il a occupé des postes de direction dans certaines banques les plus prestigieuses au monde et, en 2004, il a fondé son propre groupe, FAST Group. Avec plus de 10 chiffres d’actifs sous gestion, ses entreprises ont prospéré.
Quelle a été votre motivation pour créer votre propre entreprise ?
Avoir une liberté d’action permettant d’appliquer sa propre stratégie. La vision doit toujours précéder le projet et le projet devenu concret doit constamment évoluer afin qu’il reste en adéquation avec les attentes du marché. Il existe donc la nécessité d’apporter des réponses rapides et pragmatiques, que seule une structure à taille humaine est capable d’offrir. Convaincre des gens qui n’ont pas envie d’être convaincu, est une perte de temps et surtout d’énergie. Je l’ai vécu.
Je pense aussi qu’après plus de 20 ans passés dans de grandes institutions, j’avais toujours la passion de mon métier mais autrement. En quelque sorte, revenir au contact de mes clients et partenaires et oublier un peu les conseils d’administration et autres comités de direction répétitifs.
Mais au-delà de tout, garder la passion comme l’avais dit intelligemment Steve Jobs ‘ si vous n’êtes pas passionné, vous allez abandonner’
Quelles sont les règles que vous respectez en matière d’affaires ?
Mon ADN est l’efficacité et le pragmatisme qui doivent s’intégrer à la stratégie globale. Je pourrais résumer par ces quelques mots qui représentent la philosophie de travail que je demande à mes collaborateurs ‘1/ estimer le défi, 2/ analyser les faits, 3/ trouver la stratégie appropriée et 4/ agir’
Le management s’exerce par la compétence. Je n’ai jamais voulu me faire aimer, mais me faire comprendre.
Comment votre carrière a-t-elle évolué au fil des années ?
J’ai eu beaucoup de chance de rejoindre Chase Manhattan Bank a mes débuts. Ce fut un déclencheur d’ambitions et surtout une excellente école de formation à une époque début 80 ou l’expansion des banques était soutenue par la croissance économique. Il fallait être polyvalent et connaitre comment la banque fonctionnait réellement et les différents départements interagissaient entre eux. Puis début des années 90, l’évolution législative du secteur bancaire luxembourgeois a permis de créer un environnement favorable à l’expansion du secteur ‘Corporate’ avec notamment les lois sur les fonds d’investissement, société de participation financière et captive de réassurances. Fort de l’expérience acquise, je me suis dirigé vers le ’front’ office motivé comme jamais. Je pense que j’avais des prédispositions pour accueillir, expliquer et convaincre. J’ai rejoint la filiale d’affaire du Crédit Lyonnais pour mettre la division Corporate en place. Les voyages se sont enchainés, les dossiers aussi, permettant à la division d’être un contributeur important au résultat de la banque. Ma carrière s’en est trouvé accélérée et j’ai eu l’honneur d’être nommé au Comité de Direction rapidement. J’avais 32 ans. J’ai quitté Banque Colbert à 37 pour être nommé CEO d’IBL avec un portefeuille client très très important.
Quelle est la réalisation dont vous êtes le plus fier en affaires ?
Je pourrais vous parler de beaucoup de dossiers. Un dossier marquant a été de créer le premier fonds luxembourgeois alternatif (produits dérivés-effet de levier) en 1991 pour la Banque Lazard a Paris. Novateur a l’époque.
Nous avons aussi créé l’un des tout premiers fonds crypto-currencies il y a 6 ans pour l’un des fondateurs de Bitcoin…
Dernièrement, nous avons accompagné avec succès un très grand groupe asiatique dans un pays nord-africain pour l’obtention d’un dossier de plus de USD 370 mios dans le domaine de l’énergie renouvelable…
Mais ce dont je suis le plus fière, c’est de créer de la plus-value autour d’un projet ; en cela nos investissements en Chine dans le domaine des jeux instantanés sont en passe de devenir un diamant brut……
Différentes époques, différentes missions. En règle générale, le plus beau dossier est le dernier conclu.
Pouvez-vous partager une expérience difficile que vous avez vécue et comment vous avez fait face ?
Nos activités s’inscrivent dans un monde où beaucoup d’intérêts se croisent et ou les sommes en jeux et les rentabilités liées a ces dossiers peuvent créer des jalousies et des velléités de prendre possession d’actifs illégalement.
Je l’ai vécu à mes dépends en 2005. Des faux portant ma signature avaient été émis. Ce sont des périodes difficiles. Heureusement, la justice effectue toujours son travail correctement et la vérité apparait. Depuis 3 ans, ces gens sont inculpés à Luxembourg et la banque en question s’est rangée partie civile à mes côtés.
Que pensez-vous de la situation géopolitique actuelle ?
Le conflit russo ukrainien est en fait une guerre d’influence entre les USA et la Russie dont l’Europe va être la perdante. Les USA ont une vision d’expansion de leur zone d’influence et ont déjà versé plus de 3 milliards de USD en aide à l’Ukraine. La Russie quant à elle n’acceptera jamais de voir l’Ukraine, pays voisin, membre de l’Otan.
Comme toute chose, la sortie de guerre se négociera. Un abandon partiel de la souveraineté ukrainienne sur certaines zones, un engagement de non appartenance à l’Otan, des sanctions supportables côté russe…..Il faut bien à nouveau citer Clemenceau ‘ La guerre est une affaire trop sérieuse pour être laissée aux seuls militaires’
Comment ce conflit peut affecter les marchés financiers ?
C’est une vaste question. Plusieurs facteurs s’entrecroisent. Tout d’abord la crise du Covid a généré un déséquilibre profond entre l’offre et la demande, ce qui a créé une forte inflation que l’on croyait conjoncturelle. Les banques centrales ont toutes assouplies leurs politiques monétaires et de facto créé un endettement record exprimé en centaines de milliards. Tant que les taux d’intérêts restaient en territoire négatif ou proche de zéro, les marchés actions et immobiliers se sont bien tenus. L’or a été en forte hausse aussi car étant un refuge contre l’inflation. Puis arrive le conflit russo-ukrainien. Le prix des matières premières flambe, poussant l’inflation a niveau record et poussant a contre gré, les banques centrales à agir et à augmenter leurs taux directeurs. La FED étant plus rapide que la BCE, l’euro a fortement chuté. L’or et le pétrole resteront à des valeurs historiquement hautes encore pour quelques mois. L’immobilier va être le grand perdant de ces bouleversements. Il faudra aussi composer avec une volatilité record sur les marches.
Quelle est votre vision pour l’avenir de votre entreprise ?
Rester compétitif en adaptant nos services à la demande de nos clients. Défendre notre ADN. Valoriser encore plus nos réseaux afin d’offrir des solutions efficaces et complètes dans nos métiers.
Quels conseils donneriez-vous à quelqu’un qui se lance dans une entreprise similaire ?
Des conseils de bon sens. Définir correctement sa stratégie, s’entourer de personnes compétentes, et surtout avoir acquis une expérience suffisante.
Pour reprendre une maxime célèbre : ‘Il n’est pas nécessaire d’espérer pour entreprendre ni de réussir pour persévérer » ….toutefois…. J’ajouterai qu’il est nécessaire d’entreprendre pour espérer réussir. »
As-tu des projets à venir dont tu peux nous parler ?
Je vous ai parlé de nos investissements en Chine. Nous aimerions amener cette société en bourse dans les 3 ans avec une capitalisation de plus de USD 250 millions. Disons qu’à ce jour, 50% du chemin est fait.
Comment vous décririez-vous en tant que leader ?
Si la définition d’un leader est notamment de faire passer ses équipes du rêve au projet, et de l’observation à l’engagement, alors je suis un leader. Mais cela impose de se rendre disponible à sa vocation professionnelle et pour chacun de ses collaborateurs. J’ai toujours considéré un leader comme une personne étant capable d’écouter, d’analyser et de prendre sa décision. C’est une définition qui me convient assez bien je pense.
Quelle a été la raison de votre départ de la Banque Colbert ?
Je suis resté 10 ans dans cette banque. C’est une partie importante de ma vie professionnelle et j’ai eu de la chance que le Managing Director de l’époque m’ai donné l’opportunité de prouver ce dont j’étais capable. Je suis parti en bon terme mais sur un désaccord concernant la stratégie à mener pour rester compétitif dans le domaine des services ‘corporate’. Je sais aujourd’hui que ma proposition avait tout son sens car la plupart des acteurs luxembourgeois ont dans les 2 années suivantes opéré les changements que j’avais souhaité mettre en place.
Comment votre expérience de PDG d’une banque a-t-elle aidé à la création de FAST Group ?
Mon expérience acquise comme CEO, constitue le socle sur lequel les fondations et les orientations de mes sociétés reposent.
Mes expériences personnelles m’ont permis de concrétiser ma vision internationale et activer mes réseaux. Finalement l’expérience peut se définir comme la somme des connaissances accumulées au fil des ans, dans diverses institutions.
Qu’est-ce qui vous motive à continuer même à 60 ans ?
Faut-il arrêter de rêver à 60 ans? Je ne le pense pas tant que la sante me le permet ; je fais énormément de sport pour garder la forme et les idées droites.
A cet âge, j’ai l’avantage d’être moins soumis au stress en général. Je ne me soucie plus de payer les factures ni d’économiser de l’argent pour soutenir ma famille. Mes enfants sont indépendants. Mes amis m’apportent leur soutien. Je fais ce que j’aime.
Comment avez-vous obtenu un tel succès en si peu de temps ?
Beaucoup de travail, un peu de chance. La chance aide parfois, le travail toujours.
Les ambitions se concrétisent grâce à des efforts acharnés. Ce sont eux qui font bouger les choses.
Je le répète souvent a mes équipes dans des moments de doute : croyez-vous possible de gagner beaucoup d’argent, rapidement et facilement ? Bien évidemment non. La rémunération est liée étroitement à la complexité du dossier, il faut donc fournir un effort dans le temps en gardant le cap.